Il y a 50 ans, le Stadoceste tarbais ramenait le bouclier de Brennus. Rencontre avec, de gauche à droite, Jean Sillières (JS) et Tony Marin (TM), membres de l’équipe victorieuse en 1973 ainsi que Michel Sallaberry (MS) leur successeur.
En route vers le Brennus
Comment s’est déroulée votre arrivée en finale ?
JS : Les conditions ont été particulières. Nous avons perdu des matchs. Nous sommes arrivés à Paris pour le dernier match de poule. L’enjeu est grand. On joue notre qualification ou notre descente en division inférieure. Nous gagnons, nous sommes qualifiés !
TM : En 16e de finale, nous avions battu nos adversaires les plus redoutables. Nous savions où nous allions.
Que ressentez-vous face aux équipes adversaires à ces instants ?
JS : Beaucoup de respect. Nous sommes conscients de la difficulté, mais nous voulions dire : « on va vous montrer » !
Le 20 mai 1973 a lieu la finale à Toulouse contre Dax. Qu’est ce qui fait la différence ?
JS : Nous avons pris conscience de nos moyens et de nos conditions physiques. Nous n’étions pas impressionnés par le niveau de la compétition. Nous étions lucides et concentrés sur notre mission de joueurs. Nous avions confiance.
TM : Nous étions habitués aux phases finales et aux confrontations. Il y avait une confiance aveugle entre nous, aucune lutte d’égo au sein de l’équipe. Nous savions comment les uns et les autres réagissaient. Nous ne nous voyions pas champions. Cela a été une vraie révélation. Nous étions un groupe avant tout, c’était magique !
Comment êtes-vous accueillis à Tarbes ?
TM : Le Stadoceste a toujours été le dauphin. Là nous arrivions en pleine lumière. Nous sommes reçus à l’Hôtel de Ville. Puis nous devions rallier Verdun en bus. Dans la rue Foch, les gens étaient partout. Quand on regardait la foule, des personnes que nous connaissions bien étaient là. Des collègues, des amis, des voisins, des gens qu’on croisait au marché. A la descente du bus, les supporters nous ont portés jusqu’à l’entrée du club.
JS : Nous étions les outsiders. Partout il y avait des drapeaux rouges et blancs et l’ours, emblème du club. Cela a bien duré 15j.
Pourquoi cette victoire est si belle ?
JS : Car nous sommes les meilleurs de France. Tous peuvent l’être, mais nous avons remporté le titre. C’était unique. Le trophée l’est aussi. Le bouclier de Brennus est un symbole qui a une histoire forte.
TM : C’est le 2eme titre après celui de 1920. Celui de 1951 nous avait échappé. Il y avait une grosse attente des supporters.
Quelles sont les conséquences de cette victoire sur l’année suivante ?
JS : Nous étions la meilleure équipe de tout le championnat. Nous avons travaillé encore plus sur le plan technique et tactique. Ce n’était pas facile car nous étions attendus partout, mais nous faisions face. La saison a été régulière et nous avions les pieds sur Terre. Notre Président savait nous le rappeler !
TM : Nous avons gardé la culture « club ». Nous sommes avant tout restés nous-mêmes et cela avec tout le monde.
Le Stadoceste et les Tarbais : la Famille !
Quelles relations aviez-vous avec les Tarbais ?
TM : Nous étions fiers de les rendre fiers. C’est comme dans une famille. Quand l’un est content, tout le monde l’est. Le club et les supporters étaient cette famille. Dans chaque coin de Tarbes les gens aimaient le Stadoceste. Tarbes est une ville qui connait bien le rugby. Quand les tarbais nous croisaient ils savaient nous parler du dernier match. Ils nous félicitaient ou ne nous rataient pas selon les résultats ! Les Tarbais étaient des supporters exigeants, dans le bon sens.
JS : Parfois encore on attend des gens dire « tu vois, ce Monsieur m’a fait rêver ». C’est très fort.
Que retenez-vous de ces moments ?
JS : Il s’est formé une solidarité des compétences, une camaraderie et tous les sentiments qui riment avec le rugby. C’est avant tout un sport de combat. Il faut être ensemble.
TM : Seuls nous n’existons pas, nous ne sommes rien. Nous devions composer avec les copains. C’était une obligation et nous avons créé une solidarité. Notre équipe était composée de jeunes, nous nous connaissions depuis toujours.
L’héritage du Stadoceste
En quoi les anciens du club étaient un soutien ?
JS : Ils savaient nous recadrer gentiment mais fermement. Soutenir leur héritage a toujours été très important. On savait ce que cela représentait et « on se la donnait ».
Michel, comment succéder à une telle équipe ?
MS : L’héritage est fort. On arrive avec une profonde humilité et un profond respect. Ce sont d’ailleurs des valeurs qu’ils véhiculaient. Pour mon 1er jour, j’arrivais en voiture pour l’entrainement au stade Soulé. Je recherchais mon itinéraire, ne le trouvant pas, je m’arrête et sur le trottoir. C’est Jean qui était là. J’étais très impressionné. La rencontre était improbable et d’une grande simplicité.
Et pour les jeunes générations…
Que diriez-vous à de jeunes joueurs ?
JS : De trouver dans le rugby une façon de s’élever et d’être des citoyens dignes de ce monde. De combattre humblement et dignement. De respecter.
TM : Leur dire qu’il y a de la place pour tout le monde.
Citations à mettre en avant :
« Il paraît qu’il n’y avait pas eu autant de monde rassemblé depuis la Libération ! »
« Le rugby est un accomplissement qui fait grandir et apprend la notion de travail et de désillusion. C’est une école de la vie, pas seulement un sport »